Dénonciation et révision des conventions collectives par Mathilde MAYUMA et Natacha SANZ

Publié le par AEDSN

Dénonciation et révision des conventions collectives

 

« Les dispositions conventionnelles ont des vertus que ne possèdent ni les lois ni les règlements, et au premier rang de ces vertus, l’adaptabilité. » (M. Vasseur)

De par sa nature de contrat à exécutions successives, l’idée de remise en cause potentielle de la convention collective est intrinsèquement liée à son adoption. Instrument juridique qui se transforme dans le temps, sur impulsion des partenaires sociaux ou de l’Etat, la convention collective est toujours susceptible d’adaptation, non seulement du fait de sa nature même, mais également du fait des évolutions des données économiques, sociales et juridiques.

En effet, la convention collective, symbole de la spécificité du droit du travail en ce qu’elle permet à deux parties inégales de négocier sur les conditions d’exécution du contrat, ne peut être totalement déconnectée des changements contextuels. Sinon, c’est le rapport de force entre les parties qui arbitre, et le contrat est vidé de sa substance et de son intérêt.

 

Deux voies peuvent être suivies pour opérer cette modification de la convention : d’une part, la dénonciation, d’autre part, la révision. Ces deux vecteurs de remise en question de la convention diffèrent tant par les règles qui leur sont afférentes que par leur but.

Bien que, comme l’énonce M. Savatier : « Le but de la dénonciation ne soit jamais de faire table rase de tous les avantages conventionnels, mais seulement de s’attaquer à certains de ces avantages, considérés comme trop coûteux ou inadaptés », elle apparaît comme un constat d’échec de la négociation du simple fait de son caractère unilatéral. Ainsi, le législateur semble marquer une préférence pour une révision associant les parties à l’accord dans une nouvelle négociation.

Par conséquent, l’articulation de la dénonciation et de la révision dans notre droit témoigne de par ses modalités d’une volonté de favoriser la négociation, cette volonté permettant d’arriver à ce qui semble être le corollaire, non pas indispensable mais hautement souhaitable, de la convention collective : la flexibilité.

 

Cette flexibilité vise à faire de la convention collective un instrument privilégié, toujours actuel et évolutif, mais il faut préciser que cette flexibilité a deux visages. Elle concerne d’une part, comme dit précédemment, le régime de la dénonciation et de la révision, mais aussi les acteurs du dialogue social. En effet, à quoi bon parler de convention collective actuelle, flexible, adaptable, évolutive, si les acteurs de la négociation demeurent figés ? En ce sens, de nombreux efforts de légitimation des acteurs de la dénonciation et de la révision ont été faits, efforts dont l’acmé fut la loi du 20 août 2008 portant réforme de la représentativité syndicale. Mais cette acmé prétendue est porteuse d’un contentieux explosif, dont l’ampleur n’a peut-être pas été prise en compte par le législateur.

Pourquoi peut-on dire que la flexibilisation de la convention collective a eu pour corollaire une certaine instabilité préjudiciable au dialogue social ?

 

Pour répondre à cette question, nous envisagerons dans un premier temps de parler de l’articulation des règles de dénonciation et de révision, résolument orientées vers la flexibilisation de la convention collective, avant de nous intéresser aux incidences de la loi de 2008 sur ce régime.

Un régime orienté vers une flexibilisation de la convention collective

Les règles de la dénonciation et de la révision

Le stade de la prise de décision

Dénonciation (et mise en cause)

On se situe dans le cadre des L 2261-9 à 14 du Code du Travail.

La dénonciation n’est rien d’autre que la résiliation de la convention conclue à durée indéterminée, résiliation qui se caractérise par son aspect unilatéral.

Elle peut émaner d’une organisation d’employeurs ou d’une organisation représentative de salariés. Mais il faut signaler qu’en pratique, elle émane peu souvent des syndicats de salariés signataires, qui n’ont nullement intérêt à la dénonciation d’une convention collective parfois âprement négociée.

La loi prévoit un préavis de trois mois pouvant faire l’objet d’une prolongation conventionnelle, mais il faut préciser que l’arrivée de ce préavis n’aura pas pour effet de faire cesser l’application de la convention concernée. Il existe en effet un délai de survie de la convention qui peut aller jusqu’à un an et a pour vocation de permettre une renégociation (ce point sera développé plus avant dans le I B).

Le début du délai se situe à la date à laquelle la partie qui dénonce la convention a notifié sa volonté de mettre fin à l’accord.

Indépendamment de toute dénonciation, il arrive qu’une convention soit remise en cause. Cette mise en cause est provoquée par l’ensemble des cas de cession, de fusion, de changement d’activité de l’entreprise et est définie par L 2261-14, ancien L 132-8.

Révision

Toutes les organisations représentatives sont appelées à négocier l’avenant de révision, mais seuls les signataires initiaux et les adhérents ultérieurs peuvent le signer (L 2261-7).

Observons à présent les conséquences de la dénonciation et de la révision.

A procédures diverses, suites diverses

Dénonciation (et mise en cause)

Plusieurs cas de figure peuvent se présenter.

Intéressons-nous à la façon dont les suites de la dénonciation diffèrent selon l’instance dont elle émane.

Si la convention est dénoncée par une organisation représentative, la dénonciation aura pour effet de réduire le champ d’application de cette convention. Pour que la dénonciation ait un effet plein et entier, il faut qu’elle ait pour source l’une des parties signataires de l’accord initial.

Quid de la question des effets divers de la dénonciation en fonction des résultats de la négociation ?

 

En cas de réussite des négociations, la nouvelle convention ne peut entrer en vigueur qu’après l’expiration du délai de préavis. Elle se substitue à l’ancienne convention dans la mesure où elle porte sur le même objet que l’accord dénoncé.

Si elle a été conclue durant le délai de survie de l’ancienne convention, elle sera applicable aux salariés, même si elle est moins favorable que l’ancienne convention.

Si un accord de remplacement n’a pu être conclu dans le délai de survie, la loi prévoit que les salariés auront le droit de demander le maintien des avantages individuellement acquis en application de la convention dénoncée. En réalité, les salariés acquièrent les avantages dont ils bénéficiaient antérieurement, notamment le salaire et les primes (L 2261-13). Un arrêt Soc. 1er juillet 2008 contractualise la structure conventionnelle de la rémunération. C’est ce qu’on appelle l’effet d’incorporation.

 

La mise en cause entraîne les mêmes effets que la dénonciation. Si aucun accord de remplacement ou de substitution n’est conclu, les salariés auront droit à l’acquisition des avantages individuels dont ils bénéficiaient par le passé en application de la convention collective mise en cause.

 

Toutefois, la situation n’est pas la même ; contrairement à la dénonciation, en cas de mise en cause, on ne se trouve pas dans une situation de vide juridique. Le texte réclame une négociation pour l’adaptation aux dispositions conventionnelles nouvellement applicables ou pour l’élaboration de nouvelles stipulations. Dans l’hypothèse d’un changement de convention collective de branche applicable, il s’agira au niveau de l’entreprise de négocier une adaptation de la situation des salariés à l’application de la nouvelle convention. Si l’employeur d’accueil a déjà sa propre convention, il s’agit de faire passer le personnel nouvellement concerné par la convention sous l’empire de cette convention.

 

(Se pose en filigrane la question de l’égalité de traitement, arrêt du 11 juillet 2005 pose une condition de trouble manifestement illicite.)

 

Révision

 

L’avenant portant révision de tout ou partie d’une convention ou d’un accord se substitue de plein droit aux stipulations de la convention ou de l’accord modifié (L 2261-8). Il est opposable à l’ensemble des employeurs et des salariés liés par la convention ou l’accord. Les salariés ne peuvent plus réclamer les avantages de l’ancienne convention (contrairement à ce qui se fait en matière de dénonciation, il n’y a ici aucun système d’avantage individuel acquis).

 

Les lois de 2004 et de 2008 rendent applicables aux accords de révision les règles applicables à l’adoption de conventions collectives, et ceci sans qu’on ait besoin de s’interroger sur le caractère régressif ou non de l’accord.

 

Il faut noter que bien que L 2261-7 permette à la signature d’un seul signataire initial de valider l’avenant de révision, l’avenant reste soumis aux règles relatives à l’opposition majoritaire, qui doit se faire dans un délai de 8 jours.

 

La convention collective nouvelle issue de la révision s’applique aux contrats en cours, ce qui fait exception à la théorie de la non-rétroactivité et exclut toute prise en compte de la règle la plus favorable. On pourrait penser que cette application aux contrats en cours se justifie par un objectif de protection de la loi nouvelle, mais on veut en réalité assurer une unité de statut du personnel, et ceci dans le but de parvenir à une gestion harmonisée de ce personnel. Cet exemple montre bien la préférence du législateur pour la révision, plus propice à garantir la paix sociale.

Négocier plutôt que dénoncer

La conclusion d'une convention collective n'est pas un acte isolé, il s'insère dans le temps. Il y a donc une certaine permanence du lien de négociation qui transparait à travers les obligations périodiques de négocier, les procédures de révision, de dénonciation ou de mise en cause.

Le choix qu'opèrent les partenaires sociaux entre ces diverses stratégies n'est pas neutre et tient en particulier à l'empreinte différente que ces deux procédures impriment au dialogue social.

La dénonciation, une « déclaration de guerre sociale »

- Une dénonciation « en forme de tout ou rien » (Ray)

Le législateur veut dissuader l’employeur d’avoir recours à cette déclaration de guerre sociale en forme de tout ou rien. En effet, depuis la décision Berlier du 16 octobre 1974, la jurisprudence rejette la dénonciation partielle. C'est donc la remise en cause de toute la couverture conventionnelle des salariés au niveau en cause qui va être dénoncée.

- Formalisme

Le formalisme très précis auquel la jurisprudence a soumis la dénonciation joue un rôle assez dissuasif en pratique. Comme cela a été précisé précédemment, il faut qu’elle soit notifiée à tous les autres signataires, et ne peut être faite auprès d’autres instances. Concrètement, cela veut dire que l’employeur va devoir s’expliquer devant le CE alors qu’il ne doit aucune explication aux salariés signataires (Soc. 5 mars 2008). La dénonciation ne peut donc être discrète.

- L'impossible retour en arrière

La loi de 1982 prévoit une interdiction de retour en arrière dans deux cas: modification de la structure juridique et dénonciation de la convention collective. Avant 1971, dans ces cas, la convention disparaissait. La loi a harmonisé les deux régimes. Survie en tant que telle pendant au moins un an, sauf si nouvel accord substitué à l'ancien puisque dans les 3 mois, des négociations doivent s'ouvrir. Si elles n'aboutissent pas, les salariés conservent le bénéfice des avantages individuels acquis. Souvent des clauses de maintien des avantages individuels acquis dans les conventions collectives.

- Obligation de négocier

La loi impose un délai de survie de la convention qui peut aller jusqu’à un an et permet une renégociation. On a la négociation de l’accord de substitution dans les 12 mois (L 2261-10) qui dit que tant que l’accord n’est pas signé, tous les effets de l’accord dénoncé subsistent pour les salariés en poste au jour de la dénonciation, et sont également applicables aux nouveaux embauchés. La seule porte de sortie est donc la signature d’un accord qui se substituera totalement à l’accord antérieur, qui disparaît « corps et biens » (Soc. 28 février 2006).

- Ccl:

Évolution vers une non-actualisation de la convention. La dénonciation démontre l'inadaptation de l'accord ; il est donc anormal de maintenir la substance d'une convention dont les parties ne veulent plus. La survie est un bon moyen de maintenir une couverture conventionnelle mais l'incorporation au contrat de travail est dangereuse pour la dynamique conventionnelle et l'équilibre de l'entreprise. En cas de fusion, deux conv donc deux statuts collf. L'employeur ira t'il aussi loin qu'il le peut en négociant s’il sait que ses engagements sont irrévocables ? Ce système développe une tendance à l'inadaptation des conv collv. Juridiquement OK mais économiquement moyen.

Les délais avant que la dénonciation soit effective ont une forte puissance contraignante et les employeurs préfèrent négocier une révision. Les syndicats sont poussés à une certaine souplesse qui leur permet d’éviter les risques de dénonciation. On est dans une culture du compromis permettant de poursuivre le système conventionnel de relations de travail.

La révision, recherche d'un consensus

Selon Alfred Pecyna, les dispositions conventionnelles ont des vertus que ne possèdent ni les lois ni les règlements et au premier rang de celles-çi figure l’adaptabilité. C’est à dire la capacité que possède cet instrument juridique à se transformer dans le temps en fonction de l’environnement économique et social. Cette adaptabilité permet de conserver ce qu'il appelle la dynamique conventionnelle de la convention collective.

On parle de renégociation quand la transformation ne remet pas en cause de la convention collective. La révision de la convention collective est une condition de leur adaptation à la situation qui a nécessairement évolué. Il s'agit d'une remise en conformité par rapport à la situation économique, toujours en coopération entre les partenaires sociaux.

Selon Nathalie Colin, l'avantage qu'une telle source soit négociée est de montrer qu'elle scelle les termes d'un dialogue. Ainsi, la révision serait préférable à la dénonciation comme préservant ce dialogue. Elle va jusqu'à envisager que soit institué un préalable de rencontre des contractants avant toute rupture unilatérale, marquant ainsi un penchant certain pour la révision.

A travers la loi du 13 novembre 1992, qui encadre les procédures de révision et de dénonciation, le législateur a voulu conduire à la conclusion d’un plus grand nombre de conventions collectives. Les dispositifs ainsi modifiés encadrent plus fermement la liberté de négociation des parties. Il nous a semblé que le législateur a ainsi voulu généraliser la révision, en faire un instrument privilégié.

Pourtant, il semble que les mesures prises pour encourager la révision de la convention collective ait aussi risqué de diminuer son adaptabilité en elle-même! Ainsi, quand on veut la promouvoir pour son adaptabilité, on met en place des procédures qui lui enlèvent sa souplesse, ce qui représente un paradoxe important pour Alfred Pacyna.

Il rappelle d'ailleurs qu'au cours de l'histoire, ce paradoxe a toujours subsisté : Ainsi, la loi du 19 mars 1919 ne permettait pas la généralisation des conventions collectives mais laissait une large place à l’autonomie des partenaires. De même, la loi du 23 décembre 1946 en fit une forme dérivée du règlement.

Le premier exemple que l'on puisse citer est la loi de 1982 qui prévoyait, au niveau de la branche, une négociation annuelle et quinquennale intéressant les salaires et grilles de qualification ainsi qu'une négociation annuelle dans l'entreprise. Une négociation qui ne semblera pas nécessairement la bienvenue puisqu'en période de crise, rénégociation peut vouloir dire stagnation ou diminution des avantages.

De même, l'État en lui-même joue assez visiblement un rôle incitatif dans le processus de révision: si les parties ne parvenaient pas à s'accorder sur une actualisation pendant 5 ans, le ministre peut considérer la convention collective comme désuète et y substituer une autre convention par voie d'élargissement.

Il en va de même pour ce qui est de la condamnation pénale de l'entreprise qui ne remplirait pas son obligation de négocier. Les négociations suivant une telle condamnation seraient nécessairement soumises à une plus forte pression sociale.

Plusieurs risques pèsent donc sur les partenaires sociaux qui ne renégocieraient pas: pression sociale, répression pénale, intervention étatique.

Accord de substitution

Comme nous l'avons vu au cours de cette deuxième partie, il existe deux techniques pour l’employeur souhaitant remettre en cause certains avantages d’une convention collective de le faire: entamer une négociation sur la révision ou dénoncer l'accord ou la convention pour négocier ensuite un nouvel accord aux clauses différentes. Le cas de l'accord de substitution illustre parfaitement les lourdeurs de procédure que peut induire le choix du recours à la dénonciation.

Au stade de la convocation:

S’il s’agit de réviser un accord toujours en vigueur, seules les organisations syndicales signataires de l’accord ou y ayant adhéré ont qualité pour en négocier la modification.

En cas de dénonciation, toutes les organisations représentatives doivent être appelées à négocier.

Le droit d'opposition:

En cas de dénonciation, l’accord de substitution l'accord doit être conclu avec une ou plusieurs organisations syndicales pour produire tous ses effets. Il n’y a pas de droit d’opposition.

En cas de procédure de révision, l’avenant produit les effets d’un accord de substitution s’il est signé par toutes les organisations syndicales, sinon les organisations parties à l’accord initial disposent d’un droit d’opposition à l’accord de révision (risque pour cet accord d’être réputé non-écrit).

En cas d'échec des négociations:

Si la négociation sur la révision échoue, la convention collective en vigueur demeure. Si on se trouve dans le cadre d’une dénonciation, après le délai de 15 mois post-notification, seuls les avantages acquis subsistent.

Comme nous l'avons donc vu précédemment, le choix de dénoncer ou de réviser n'est pas sans conséquences. Toute la procédure qui en découle s'en trouve différenciée, et il s'agit alors de déterminer quel recours sera le plus adapté à la situation.

Parmi les conséquences les plus importantes de ce choix, figurent les parties qui seront en cause lors de la ré-négociation. En effet, selon qu'il s'agisse de dénonciation ou de révision, celles-ci seront différentes et leur légitimité à participer au dialogue social s'en trouvera modifiée. Nous étudierons donc maintenant ce problème à travers le prisme de la loi du 20 août 2008 qui a grandement modifié les conditions de leur participation à la conclusion.

 

 

Incidences de la réforme de 2008 sur le régime de la dénonciation et de la révision

Une volonté incidente de légitimer les acteurs du dialogue social

L'exigence d'unanimité controversée

En droit privé, lorsqu'il est question de réviser une convention, on applique l'effet relatif des contrats donc on demande aux contractants de réviser ensemble, par un commun accord. Ce qui permet de respecter la règle du parallélisme des formes. Les choses sont différentes en ce qui concerne les conventions et accords collectifs.

-Basirico et suites

Ainsi, dans les deux arrêts Basirico du 9 mars 1989, se pose la question de savoir qui peut signer un accord modifiant une convention collective.

De cette jurisprudence Basirico, il faut déduire que l’avenant de modification sera opposable au salarié si cet avenant a été conclu par tous les signataires initiaux. Deux accords sont appelés à vivre ensemble, l’accord ancien n’ayant pas reçu toutes les signatures nécessaires et l’accord nouveau valablement signé puisqu’ayant recueilli au moins une signature représentative.

Dans les années 90, le patronat désirant réduire des avantages antérieurement accordés aux salariés par voie conventionnelle a considéré qu'il suffisait de conclure un avenant avec les organisations syndicales disposées à l’accepter. Même s'il ne s'agissait que d'une seule organisation syndicale, du moment qu’elle était représentative. Il y avait donc unicité de signature.

Pour éviter ces dérives la CCass avait rendu des arrêts exigeant pour la validité d’un avenant qu’ils soient signés par tous les signataires de la convention.

Puis, intervint la loi du 31 décembre 1992 qui pose que désormais, il est possible qu’un accord de révision soit signé par une organisation représentative, à condition tout de même qu’elle fasse partie des signataires initiaux.

(Pour rappel, comme cela a été précisé précédemment, L 2261-7 : Les organisations syndicales de salariés représentatives, signataires d'une convention ou d'un accord ou qui y ont adhéré conformément aux dispositions de l'article L. 2261-3, sont seules habilitées à signer, dans les conditions prévues au chapitre 2 du titre 3, les avenants portant révision de cette convention ou de cet accord)

- Fin du principe de faveur

La loi de 1992 a également invalidé trois arrêts du 20 mars 1992 (Ass.Plén.) qui énonçaient que « Si des organisations syndicales représentatives peuvent valablement signer un accord collectif modifiant partiellement une convention collective, le nouvel accord, s’il n’a pas été conclu par l’ensemble des signataires initiaux de la convention collective et des adhérents ultérieurs, ne peut, en l’absence de stipulation expresse relative à la révision ou à défaut de dénonciation régulière de la convention, être opposé à des salariés qui réclament le bénéfice d’un avantage prévu à ladite convention et supprimé par l’accord ».

En effet, l'ancien article L132-7 issu de la loi de 1992 énonçait que l'avenant portant révision signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives se substituait de plein droit aux stipulations de la convention ou de l'accord qu'il modifiait et était opposable, dans les conditions de 132-10 à l'ensemble des employeurs et salariés liés par l'accord. Il écartait donc le jeu de la clause la plus favorable. Les salariés ne peuvent plus se réclamer des avantages de l’ancienne convention.

En contrepartie, la loi de 1992 ouvre un droit d'opposition pour les non-signataires si ces avenants réduisent ou suppriment des avantages individuels ou collectifs prévus par l'accord initial.

- Le cas à part de la négociation

L’accès à la signature est refusé aux non signataires. Ils ont le droit d’être appelés à la négociation. En effet, depuis l’arrêt Sanofi du 26 mars 2002, l’employeur ne peut se contenter de convoquer pour la révision les seuls signataires initiaux : il doit convoquer toutes les organisations syndicales salariées représentatives dans l'entreprise, sous peine de nullité de l’accord.

Mais seuls les syndicats ayant signé la convention sont habilités à signer l’avenant. Donc le droit de négocier est clairement séparé du droit de conclure. Ce qui prime ici, c'est le principe d’égalité entre les organisations syndicales.

Donc, au stade de la négociation, tous les syndicats représentatifs doivent pouvoir participer et faire valoir leur conception. L'employeur ne doit pas pouvoir choisir ses interlocuteurs. Donc convocation de toutes les organisations représentatives dans l'entreprise pour les négociations. De plus, la participation des non signataires initiaux peut avoir un intérêt même s’ils ne peuvent pas être signataires de l’avenant de révision. Cela leur permet d'être informés des intentions du chef d’entreprise et des organisations signataires. Ils ont ainsi la possibilité d’alerter le personnel, d'émettre une opinion au cours du débat pour se ménager par la suite la possibilité d'adhérer à la convention ou à l’accord.

L'arrêt du 26 mars 2002 énonce une lourde sanction attaché à cette obligation de convocation: « l’accord de révision conclu avec les seuls syndicats signataires de la convention ou de l’accord collectif sans que les autres syndicats représentatifs dans l’entreprise aient été convoqués à la négociation est nul ». Il s'agit donc d'une nullité sans texte!

Le débat autour de l'accès des différentes organisations syndicales à la signature de l'avenant est lié au fait que le législateur n'a pas pu gérer de manière globale les faiblesses de la représentativité syndicale. Le pluralisme syndical a prévalu. Le législateur aurait pu requérir la signature d'un nombre significatif d'organisations syndicales pour signer cet avenant mais ne l'a pas fait et a opté en 1992 pour un système de droit d'opposition. C'est justement ce que la loi du 20 août 2008 a changé.

Le critère de l'audience: une solution?

- L'oblitération des syndicats non-signataires

Avant 2008, le nouvel accord était vidé de sa substance si la règle d’unanimité n’était pas satisfaite, d’où une insécurité juridique dans les relations paritaires, ce qui était problématique compte tenu de la possibilité pour chaque syndicat d’engager l’ensemble des salariés par sa seule signature.

Selon Jean Roche, la raison de cette règle se trouve dans le rapport de M. Tricot, conseiller rapporteur devant l’Ass.Plén : ne pas privilégier l’unanimité reviendrait à donner à la partie employeur le pouvoir de conférer la légitimité à un syndicat représentatif et non à un autre. On n’admet donc pas la plénitude de la représentation légale de chaque organisation syndicale représentative.

Mais cet argument peut être retourné : si les syndicats qui s’entendent avec l’employeur ne peuvent maintenir ce qui est convenu, on en déduit un monopole de celui qui ne signe pas. De plus, cela revient à oublier le statut de mandataires des syndicats, qui ne font que représenter les deux parties à la convention.

- Loi de 2008

Toutes ces questions doctrinales ont trouvé un début de réponse dans la loi du 20 août 2008. Celle-ci n'a pas changé les règles de révision, que celles relatives à la conclusion changent. Qu'en penser?

Effectivement, la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale modifie en profondeur les critères de représentativité des organisations syndicales, En modifiant en profondeur la question de la représentativité syndicale et instituant de nouvelles règles de conclusion des accords, elle cherche à légitimer les accords sociaux.

De ce fait, la validité des accords d'entreprise est conditionnée par certains éléments: il doit être signé par un ou des syndicats représentatifs ayant cumulé au moins 30% des suffrages aux dernières élections professionnelles et ne pas faire l'objet d'une opposition par des organisations syndicales qui ont obtenu 50% à ces élections.

Le critère de l'audience, qui joue un rôle fondamental dans la conclusion des accords, permet de ne pas exclure arbitrairement un syndicat de la conclusion alors même qu'il détient de la loi, le droit de négocier au nom des salariés.

Dans les entreprises de moins de 200 salariés sans délégué syndical et dans les entreprises de moins de 50 salariés où aucun délégué du personnel n'a été désigné DS, ce sont les représentants élus du personnel qui négocient l'accord d'entreprise. Ces derniers doivent représenter au moins 50 % des suffrages lors des dernières élections professionnelles.

Dans les entreprises sans délégué syndical et dépourvues de représentants du personnel, un salarié peut être mandaté par un syndicat représentatif au niveau de la branche. L'accord devra alors être ratifié par la majorité des salariés.

L 2261-7 permet donc à la signature d’un seul signataire initial de valider l’avenant de révision, mais il reste soumis aux règles majoritaires (opposition dans les 8 jours).

Pour finir, il me semble important de rappeler que dans les cas de dénonciation, la question de la légitimité de l'interlocuteur est nettement moins sujette à controverse. En effet, l'accord précédant ne survivant pas nécessairement, c'est un nouvel accord qui sera le plus souvent conclu, chaque organisation syndicale représentative étant en droit de le signer. (peut-être à mettre avant ? pour expliquer pourquoi on en parle pas du tout ? peut-être plus logique vu que dans le I on fait dénonciation puis révision ?)

Ces nouvelles exigences, si elles mettent fin aux problèmes précédemment explicités, risquent de compliquer fortement le processus de négociation. En effet, auparavant, "dans certaines sociétés, on arrivait à obtenir la signature d'une organisation syndicale et les autres, même si elles ne signaient pas par principe, ne s'opposaient pas non plus, ce qui permettait d'obtenir un accord valable", comme le rappelle Virginie Devos. À présent, "une signature de ce type ne pourra plus suffire".
Penchons-nous à présent sur les effets potentiellement pervers de la loi de 2008.

Des effets imprévus

La loi de 2008 témoigne d’un refus du législateur de figer l’identité des acteurs de négociation en négociation, et ce dans le but de donner une plus grande légitimité à ces acteurs en ne considérant pas forcément les anciennes représentations comme valables. Mais le critère de l’audience est également une boîte de Pandore, dont l’ouverture sera sans doute source d’un contentieux important et complexe.

L’hypothèse du changement d’interlocuteurs

 

Que se passe-t-il lorsque l’une des parties disparaît ?

 

Dénonciation (et mise en cause)

 

Dans une décision datant du 16 mars 1995, la Cour de Cassation énonce que la disparition de l’une des parties entraîne la mise en cause de la convention. Une telle solution est-elle encore possible dans le contexte de 2008 ?

 

La loi de 2008 introduit une disposition selon laquelle la perte de représentativité de l’un des signataires de la convention collective n’entraîne pas la mise en cause de celle-ci.  Et s’il y a dénonciation du texte, elle n’emporte d’effets que si elle émane de la majorité. Par cette disposition, on note que la loi ne vise pas la disparition mais la perte de représentativité, ce qui est problématique car la jurisprudence de 1995 n’est par conséquent pas caduque.

 

On peut craindre les effets pervers de ce vide ; ne serait-il pas possible, pour un syndicat évincé de la négociation du fait de la perte de sa représentativité, de se prévaloir par analogie de cette règle relative à la disparition ? Ceci lui permettrait de contourner les dispositions de la loi de 2008 et ainsi de mettre en cause toute la convention du simple fait de sa perte de représentativité ! Ceci est sans nul doute un gisement de contentieux explosif.

 

Révision


La diversification de la partie salariale peut également poser problème dans le cadre d’une révision.

 

Les modalités de révision de la convention sont prévues par la convention collective elle-même. Le texte vise la liberté contractuelle donnée aux parties, mais on peut se demander quelles en sont les limites. Ceci est une problématique capitale car la loi de 2008 n’a rien changé aux règles de révision, alors que celles de la conclusion changent.

 

Dans ce cadre, un problème se pose : quid du syndicat qui disparaît puis réapparaît ? Est-il le même signataire ? Est-il la même partie ? On court le risque d’une grande instabilité du dialogue social et d’une insécurité juridique tout aussi flagrante.

 

Un arrêt du 13 novembre 2008 fixe une règle de consentement unanime de tous les signataires non pas pour signer l’avenant mais pour engager la procédure de révision. Bien qu’il témoigne d’une volonté de permettre à tous les syndicats de participer au dialogue social, on peut se demander si les risques de paralysie sont totalement absents du débat. (question de l’ « engagement de la procédure », voir arrêt et termes exacts employés par la Cour de Cassation)

 

Autre facteur de paralysie : l’absence de majorité, hypothèse dont le législateur ne semble pas avoir tenu compte.

 

(NB : En cas de disparition de la représentation syndicale dans l'entreprise, on a les mêmes conséquences qu'une dénonciation: le texte survit pendant un an, préavis de dénonciation, puis incorporation  des avantages individuels acquis. Durant cette année là, puisque plus de signataire initial, il semble exclu que le recours à d'autres acteurs soit possible.)

L’hypothèse de l’absence de majorité

 

Quid des cas dans lesquels aucun syndicat n’est majoritaire au sein de l’entreprise ?

 

Dénonciation (et mise en cause)

 

Si l’on est dans le cas d’une dénonciation, il convient de rappeler que la dénonciation n’étant ouverte qu’aux syndicats représentatifs, en l’absence de toute majorité l’employeur devient le seul capable de dénoncer la convention. Bien qu’en pratique les syndicats dénoncent rarement, se pose en filigrane la question du déni du droit à la participation des salariés, pourtant garanti par l’article 8 de la Constitution.

 

Révision

 

Dans le cas d’une révision, admettons que l’on ait un syndicat majoritaire signataire initial et qu’il n’y ait plus de majorité. Ce syndicat va devoir être appelé à la négociation en vertu des dispositions légales, mais il ne pourra pas signer l’avenant révisant l’accord ! Ceci peut également être source d’un fort contentieux, notamment si l’on raisonne par analogie avec le droit des contrats ; cela reviendrait à priver l’une des parties de la capacité de modifier son contrat. Certes, en l’occurrence ce n’est pas le syndicat qui est partie à la négociation mais le salarié ; toutefois, c’est ce salarié qui sera lésé. En somme, peut-on déroger à la règle des 30% au nom de la liberté contractuelle ?

 

On ne peut pas nier qu’il risque d’y avoir un effet d’aubaine, certains syndicats risquant d’adhérer à la convention au moment de la révision pour franchir la barre des 30% et pouvoir la remettre en cause.

 

En raison de l’affluence de nouveaux syndicats admissibles au premier tour et pouvant s’allier pour franchir ensemble la barre des 30%, on peut craindre de nombreux conflits et une complexification du contentieux dommageable, la souplesse recherchée devenant synonyme d’imbroglio juridique inextricable.

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B
<br /> Merci beaucoup pour cet article que je trouve très bien rédigé et beaucoup plus clair que le cours de droit que je suis en train de réviser.<br /> Bravo et merci à vous<br /> <br /> <br />
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